Tu veux visiter une ville « authentique » ? Tape son nom dans un chatbot IA. En quelques secondes, tu obtiendras un itinéraire optimisé, les dix restaurants « locaux » les mieux notés, des anecdotes culturelles et des spots photo incontournables. Le tout enrobé dans un storytelling calibré. C’est efficace, mais quelque chose cloche.
Ce n’est pas de la personnalisation. C’est une standardisation en robe locale. Et ça pose un vrai problème : l’IA ne vend pas une expérience, elle vend une image de l’expérience.
La dictature du « bien référencé »
Quand une IA génère des recommandations, elle s’appuie sur ce qui est visible, fréquent, bien noté. Pas sur ce qui est vrai, vivant, ou marginal. Les guides générés par IA s’enlisent donc vite dans une boucle algorithmique : toujours les mêmes lieux, les mêmes recettes, les mêmes phrases. Le local est digéré par les données globales.
Un resto traditionnel qui n’a pas de fiche Google bien fournie ? Invisible. Un festival qui change chaque année ? Ignoré. Une ruelle où le temps s’est arrêté ? Effacée au profit d’une place instagrammable.
L’illusion de l’ancrage culturel
Le syndrome du faux local, c’est quand un contenu IA donne l’illusion d’authenticité avec trois adjectifs bien placés. « Typique », « insolite », « gourmand ». Mais il s’agit souvent d’un enrobage marketing, d’une simulation de proximité. Les circuits créés sont sans surprise, sans aspérité, sans vraie rencontre.
Et pourtant, les utilisateurs adorent. Parce que c’est rapide. Parce que ça rassure. Parce que ça valide une attente plus qu’ça invite à la découverte.
Qui parle, au juste ?
Derrière chaque recommandation IA se cache une question politique : quelle voix est amplifiée ? Quel récit est promu ? L’IA ne fait pas que répondre : elle encode une certaine vision du monde. Quand elle devient intermédiaire touristique, elle choisit ce qui mérite d’être vu. Et ce choix, souvent, reflète plus les classements de Yelp que la réalité du terrain.
Et maintenant, on fait quoi ?
La solution n’est pas de jeter l’IA, mais de la recadrer. L’entraîner sur des sources locales, collaborer avec des habitants, croiser les récits, assumer la subjectivité. Redonner la main à ceux qui vivent les territoires plutôt qu’à ceux qui les modélisent depuis la Silicon Valley.
Le vrai local, c’est celui qui résiste à l’uniformisation. Et il a besoin d’outils, pas de doublures.