Un casque sur les oreilles, une appli dans la main, un avatar qui t’accueille devant l’exposition. Voilà à quoi ressemble de plus en plus la visite muséale moderne. Les IA font leur entrée dans les lieux culturels : audioguides personnalisés, reconstitutions en réalité augmentée, analyse des flux visiteurs, médiation automatisée. Le tout promet une « visite augmentée ». Mais est-ce qu’on y gagne vraiment ?
Des promesses impressionnantes
L’IA rend la culture plus accessible. Traductions instantanées, synthèses adaptées à l’âge ou au niveau du visiteur, parcours thématiques à la volée, dialogue avec des personnages historiques réincarnés. L’expérience est parfois bluffante.
Et c’est aussi un outil de gestion. Certains musées s’appuient sur des modèles de prédiction pour fluidifier les parcours, adapter les horaires, recommander les œuvres en fonction du temps disponible ou des préférences exprimées. Une sorte de Netflix de la culture ?
Mais à quel prix ?
Là où ça grince, c’est quand la technologie prend le dessus sur la contemplation. L’IA démultiplie les contenus, mais déplace l’attention. On ne regarde plus une œuvre : on lit sa fiche, on écoute un commentaire, on zappe vers la suivante. Le rythme est imposé par l’interface, pas par le regard.
Et que dire de la standardisation ? Les récits sont souvent formatés, les parcours optimisés, les émotions anticipées. Une IA bien entraînée peut te dire pourquoi tel tableau est « intéressant »… mais pas pourquoi il te touche.
Le visiteur devient utilisateur
Derrière les promesses se cache parfois une logique marketing. En instrumentalisant l’IA, certains lieux veulent capter l’attention, prolonger la visite sur les réseaux, récolter des données. Le visiteur n’est plus un curieux : c’est un utilisateur, un flux, un KPI.
On voit apparaître des logiques de gamification forcée, des recommandations qui poussent vers les œuvres « instagrammables », des expériences où le contenu est prétexte à l’interaction. Le fond cède la place à la forme.
Et maintenant ?
Il ne s’agit pas de refuser l’IA dans la culture. Mais de la cadrer. Une bonne IA muséale, c’est une IA qui laisse place au silence. Qui ouvre un espace, sans le saturer. Qui aide à comprendre, sans imposer un sens. Et surtout, une IA entraînée avec les bons jeux de données : ceux produits par les conservateurs, les artistes, les publics.
L’IA peut être un outil d’hospitalité culturelle. Mais à condition de ne pas détourner l’attention vers elle. Le sujet, c’est l’œuvre. Pas son commentaire prédictif.